Jean Auba
Inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale
Correspondant de l’Institut
Commémorations nationales 2009 (Centenaire de la mort de Ch-L Philippe)
Le 4 août 1874 naît à Cérilly, dans l’Allier, Louis Philippe qui, devenu écrivain, ajoutera le prénom de son père à son nom et s’appellera Charles-Louis Philippe. Son père est sabotier, sa mère travaille à la maison, elle a été domestique. À sa petite ville du Bourbonnais, proche de la forêt de Tronçais, Philippe restera passionnément attaché. « Petite ville propre, docile, dans l’air pur des campagnes », avec sa mairie sévère, son église romane, son école surtout. « J’ai cinq ans, écrit Philippe, maman m’amène à l’école, car j’accomplis une action aussi indispensable que boire ou manger. » Mais il supporte mal l’internat au lycée de Montluçon, puis au lycée de Moulins. Il n’est pas reçu à l’École centrale. Quelques mois à Cérilly, dans l’angoisse du travail à trouver. Un fils du sellier de Cérilly, pharmacien à Paris, lui procure un emploi d’aide-comptable dans son service. Il part pour Paris en 1896. Il a 22 ans. Fidèle de cœur à Cérilly, il restera parisien jusqu’à sa mort.
Reçu à l’examen des ponts et chaussées de la ville de Paris, il sera agent auxiliaire de 4e classe au service de l’éclairage puis, grâce à l’appui de Barrès, piqueur de 3e classe chargé de la surveillance de l’emploi des trottoirs. Métier dont le traitement lui permet tout juste de vivre, mais qui lui laisse des loisirs. Il lit et il écrit. Son goût littéraire est très sûr. À une enquête sur les écrivains contemporains en 1904, il répond : « Claudel est grand comme Dante, c’est le plus grand génie vivant. » Sa vie sentimentale est agitée ; il a plusieurs liaisons ; « il a mauvaise tête et bon cœur », selon son amie Marguerite Audoux.
Sa vie, elle est dans ses livres, avec ses amours, ses amitiés, ses tristesses et ses joies, son inquiétude et son humour, sa compassion profonde pour les pauvres et les malheureux. Elle y est, transposée, avec une merveilleuse pureté.
En 1900, il publie La mère et l’Enfant, en 1901 Bubu de Montparnasse, en 1902 Le Père Perdrix, en 1904 Marie Donadieu, en 1906 Croquignole. Il fait partie du comité de rédaction de La Nouvelle Revue Française qui commence à paraître et où sera publié, après sa mort, Charles Blanchard, œuvre inachevée, la plus importante de toutes, selon Gaston Bachelard, qui y voit une véritable philosophie de l’action. Après sa mort également seront publiés les Contes qu’il avait donnés au journal Le Matin, frémissants de vie, de vérité et de tendresse. « Je crois être en France le premier d’une race de pauvres qui soit allé dans les Lettres », a dit Philippe. Daniel Halévy, après l’avoir rencontré, note : « Cet être disgracié, quelle était sa grâce ! ». Tel était l’homme, telle est l’œuvre : peinture de la misère humaine, avec la grâce de l’écriture.
La fièvre typhoïde l’emporte en décembre 1909.
À l’enterrement, à Cérilly, les amis sont là, ceux du Bourbonnais, Émile Guillaumin, Valery Larbaud, ceux de Paris, André Gide, Léon-Paul Fargue.
Gide écrira : « Cette fois, celui qui disparaît, c’était un vrai. »
Jean Auba
Inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale
Correspondant de l’Institut
Commémorations nationales 2009 (Centenaire de la mort de Ch-L Philippe)
Cérilly
Paris
Entré en 1896 dans l’administration du Département de la Seine, il habite surtout dans l’île Saint-Louis près de l’eau et des arbres qui lui rappellent sa chère forêt de Tronçais. Il ne quittera plus la capitale que pour des vacances d’été à Cérilly.
En effet son cœur reste à Cérilly, plusieurs de ses ouvrages ont pour cadre la « Petite Ville ». Il s’inspire de la vie quotidienne des membres de sa famille et des artisans de son quartier (la Croix Blanche ) :
« Dans la petite ville »
Il collabore à de nombreuses revues et est l’un des pères fondateurs de la « Nouvelle Revue Française » (NRF – Editions Gallimard).
Sa vie parisienne lui inspire le reste de son œuvre :
« Chroniques du Canard Sauvage »
Là réside son originalité : mettre son imagination et sa plume au service de ceux que « La Belle Epoque » laisse de côté …. il le fait avec « le regard pénétrant du cœur ».
Son talent particulier le fait connaître des milieux littéraires et admirer des grands écrivains. Artiste épris de perfection et de formes nouvelles, il a conquis l’admiration et l’amitié d’amis aussi différents que Lucien Jean ou Valery Larbaud, André Gide, Francis Jourdain, Emile Guillaumin, Paul Claudel, Jacques Copeau, Léon-Paul Fargue, Jean Giraudoux ou Marguerite Audoux et combien d’autres…
Il faut que l’œuvre soit une confession, l’expression même de la vie de l’écrivain, sans quoi on s’interdit tout ce qu’il y a de hasard, d’imprévu dans la vie d’un homme.
Réponse de Charles-Louis Philippe à une enquête sur le mouvement littéraire (Gil Blas Novembre 1904).
Charles-Louis Philippe avait le don de l’amitié, la vraie, la paradoxale, celle qui sait être lucide et inconditionnelle.
David Roe (Tome 1 des œuvres complètes de Charles-Louis Philippe – Edition Ipomée)
…..car l’Amour, c’est l’étendue et la multiplication
Charles-Louis Philippe (Marie Donadieu) – Dessin de Jacques Poinson